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Covid-19 : comment gérer la hausse d’activité avec ses salariés ?

Publié le jeudi 26 mars 2020 à 10h54
Par Frédéric Auzanneau, Accroche-press’ pour France Défi
Experts & Décideurs Ressources humaines Paie et social Covid-19 : comment gérer la hausse d’activité avec ses salariés ?

Employés en confinement ou malades, enfants à garder… certaines entreprises sont confrontées à un manque de personnel et à une hausse d’activité. Parmi les pistes qui commencent à voir le jour, le recours aux heures supplémentaires va être facilité.

La France est confrontée à une pandémie « inédite, sévère et rapide », pour reprendre l’expression employée le 24 mars par Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé. 1995 patients sont décédés du Covid-19 en milieu hospitalier depuis le début de l’épidémie, selon le bilan du 27 mars. Le gouvernement a annoncé qu’il allonge la durée de confinement jusqu’au 15 avril.

Dans ce contexte, au moins 150 000 entreprises ont dû recourir au chômage partiel, soit 1,6 million de salariés, selon le dernier décompte du ministère du Travail. Mais, dans le même temps, dans certains secteurs, les commandes explosent. Les employeurs doivent donc trouver des solutions pour faire face à la hausse d’activité.

Hausse d’activité : des entreprises sous tension

Masques, médicaments, produits agricoles… certains besoins sont particulièrement importants actuellement. Certaines sociétés ont déjà fortement augmenté leurs cadences, tels les fabricants de gel désinfectant pour les mains. Les quatre fabricants français de masques FFP2 certifiés ont aussi accru leur rythme de production. Parmi d’autres exemples, le groupe Air liquide a mis en place des équipes de nuit et de week-end pour fournir davantage de respirateurs et d’appareils de ventilation, rapporte le quotidien Le Monde le 25 mars. Son site d’Antony passera d’une production de 500 respirateurs à 1100 en avril, celui de Pau, de 200 à 600 appareils, destinés aux hôpitaux provisoires dressés par l’armée.

De son côté, la Phocéenne de Cosmétique, à Salon-de-Provence, a demandé à ses équipes logistiques de travailler dix heures par jour. Le 24 mars, cette entreprise qui vend des savons liquides et solides déclarait avoir réalisé quatre mois de ventes normales en huit jours. Elle a annoncé une prime de 100 € par jour (2 000 €/mois) reversée en plus des heures supplémentaires réalisées, pour ces salariés travaillant au service de préparation des commandes.

Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a également réclamé des primes, le 25 mars, pour récompenser l’effort « surhumain » des personnels face au coronavirus. Quelque 1600 patients atteints de Covid-19 étaient hospitalisés à l’AP-HP le 24 mars, dont 450 en réanimation, selon lui. Le président Emmanuel Macron a répondu favorablement, le 25 mars au soir, en annonçant pour « l’ensemble des personnels soignants et des fonctionnaires mobilisés » une majoration des heures supplémentaires effectuées sous forme d’une prime exceptionnelle. Le 27 mars, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a précisé que « le gouvernement annoncera dans les tout prochains jours la manière dont cette prime sera versée, dans quelles conditions et dans quels délais ».

Des mesures annoncées pour les secteurs « vitaux »

Dans tous ces secteurs stratégiques pour la vie quotidienne, les horaires de travail vont pouvoir être aménagés. Pour que les rayons de la grande distribution ne se vident pas, par exemple, il s’agit de s’assurer que la logistique puisse fonctionner la nuit. Le 25 mars, le premier ministre Édouard Philippe a déclaré que le droit du travail sera « aménagé temporairement » pour les « secteurs vitaux ». Les mesures d’exception prises ce jour-là n’ont vocation, en principe, à s’appliquer que durant la période de crise sanitaire.

Les transports, la logistique, l’agroalimentaire, l’agriculture, l’énergie, les télécommunications… La liste de ces secteurs sera publiée par décret dans les heures ou dans les jours à venir.

25 ordonnances, prises en application de la loi d’urgence sanitaire n°2020-290 pour combattre le Covid-19, promulguée le 23 mars 2020, ont été adoptées lors du conseil des ministres du 25 mars. Parmi elles, trois concernent les relations entre les employés et les employeurs. Parmi ces dernières, une ordonnance porte sur les mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, sur proposition de la ministre du Travail Muriel Pénicaud.

Dérogations temporaires pour faire face à la hausse d’activité

Cette ordonnance précise « les conditions et limites dans lesquelles un accord d’entreprise ou de branche autorisera l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, ainsi que les modalités permettant à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié ».

Elle prévoit également « des dérogations en matière de durée du travail et des dérogations en matière de repos hebdomadaire et dominical pour permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles actuellement en vigueur ».

Le 27 mars, la ministre du Travail a indiqué que chaque secteur d’activité concerné par ces dérogations « fera l’objet d’un décret, dont la validité sera définie sur une période strictement limitée aux besoins du secteur et à ceux de la nation », ajoutant que « chaque décret tiendra compte de la nature des activités à réaliser et permettra évidemment de préserver la santé des travailleurs durant cette période exceptionnelle ».

Le même jour, Muriel Pénicaud a rappelé que « l’ordonnance adoptée [le 25 mars] en Conseil des ministres instaure une obligation pour l’employeur, si les dérogations en matière de durée du travail sont utilisées, d’informer d’une part le CSE et d’autre part les services de la Direccte. »

Jusqu’à 60 heures de travail hebdomadaire

Dans le détail, la durée hebdomadaire de travail autorisée est revue à la hausse pour les entreprises faisant face à un surcroît d’activité : le volume horaire maximum autorisé est désormais porté à 60 heures hebdomadaires (contre 48 heures auparavant), ou à 46 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives (44 heures auparavant). Ces heures supplémentaires seront majorées dès la 36e heure. Par ailleurs, le repos minimum entre deux journées de travail pourra être ramené de 11 à 9 heures.

Jusqu’ici, certaines dispositions du Code du travail permettaient déjà de déroger aux durées maximales de travail et aux repos (dérogation à la durée maximale hebdomadaire absolue de 48h, dépassement de la durée maximale quotidienne de 10 heures…), rappelle le ministère du Travail. Toutefois, ces mesures étaient habituellement mises en place en application d’une convention ou d’un accord d’entreprise, et s’appliquaient alors dans des situations d’urgence sur des périodes limitées, après information de l’inspection du travail.

Un employeur pourra-t-il déplacer des dates de congés ?

Si un accord d’entreprise ou de branche l’y autorise, un employeur pourra unilatéralement, si la situation le requiert, modifier les dates de congés déjà posés. Il sera tenu d’en informer le salarié un « jour franc » à l’avance. En respectant les mêmes conditions, l’employeur pourra imposer des congés dans la limite de « six jours ouvrables ». En revanche, le chef d’entreprise peut imposer ou modifier seul, dans la limite de 10 jours :

  • la pose de RTT ;
  • la pose de jours prévus par une convention forfait ;
  • la prise de jours de repos du aux droits affectés sur le compte épargne temps ;

Il est tenu de respecter le délai d’un « jour franc » pour prévenir les salariés concernés. Les périodes de congés imposés ou modifiés ne peuvent s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

Le travail du dimanche étendu à d’autres secteurs

Le travail du dimanche sera désormais ouvert aux secteurs dits vitaux, afin de leur permettre de tourner sept jours sur sept si nécessaire. La ministre du Travail a assuré que celui-ci interviendra uniquement « sur la base du volontariat ».

La question du travail de nuit

La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l’article L. 3122-6 du Code du travail peut être portée jusqu’à 12 heures, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article. Par ailleurs, la durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de 12 semaines consécutives fixée à l’article L. 3122-7 du code du travail peut être portée jusqu’à 44 heures.

Hausse d’activité : le secteur agricole se mobilise

« L’agriculture a besoin de renforts saisonniers pour nourrir tous les Français ! », avertissait sur Twitter Muriel Penicaud, le 24 mars, en annonçant des innovations « pour répondre aux besoins en recrutement d’un secteur vital pour la nation ». Le lendemain, Sibeth Ndiaye a également pointé l’absence des saisonniers étrangers qui, d’habitude, récoltent « les fraises et les asperges dans les champs ».

Précisément, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), chiffre ces besoins à « 45000 personnes en mars, 80000 personnes supplémentaires en avril, et encore 80000 en mai ».

Le 24 mars, pour répondre à ce manque de main d’œuvre, le gouvernement a annoncé la mise en place, avec Pôle emploi, d’une plateforme dédiée au recrutement pour le secteur agricole et agroalimentaire. L’établissement public proposera à chaque employeur, s’il le souhaite, de prendre en charge la présélection des candidats, indique le gouvernement, qui précise que l’employeur de la filière agroalimentaire qui embauche un salarié en activité partielle devra le libérer de ses obligations sous réserve d’un délai de sept jours.

En complément, les agriculteurs sont appelés à se rendre sur le site Des bras pour ton assiette pour déclarer leurs besoins de main d’œuvre pour leurs travaux (récoltes de fruits et légumes, plantation des semis…). Pour postuler, les personnes intéressées doivent s’inscrire sur Mission.wizi.farm.

Par ailleurs, avant la fin de la semaine, un guide pratique établi par le ministère du Travail sera diffusé aux entreprises et aux exploitations pour, dit le gouvernement, « garantir un travail en toute sécurité pour leurs salariés ».

 

Quelques contacts utiles

  • Pôle emploi

Ses conseillers sont disponibles par téléphone au 3995, sur leurs lignes directes et via l’espace recruteur sur pole-emploi.fr. « Les recruteurs, lorsqu’ils en disposent, précise l’établissement public, peuvent également utiliser le numéro de téléphone portable de leur conseiller entreprises habituel. »