En France, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée, suivie du tabac puis du cannabis. Les autres drogues sont moins répandues, mais leur usage tend à progresser, notamment celui de la cocaïne. En 2023, ce marché a d’ailleurs dépassé pour la première fois celui du cannabis en valeur, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
La consommation de stupéfiants par toute personne et en tout lieu, y compris au travail, est interdite et sanctionnée, a minima, par un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende (article L.3421-1 du code de la santé publique). Quant à la consommation d’alcool, elle est autorisée au travail seulement s’il s’agit de vin, de bière, de cidre ou de poiré (article R4228-20 du code du travail).
Identifier les risques
De manière générale, l’employeur « est tenu d’élaborer une politique de prévention des addictions au travail en vertu de son obligation générale de sécurité prévue à l’article L4121-1 du code du travail », indique Louise Peugny, avocate associée au cabinet Voltaire avocats. « Au-delà du risque réputationnel, sa responsabilité peut être engagée sur les plans civil et pénal », précise l’experte en droit social.
La première étape de cette politique de prévention consiste à identifier les risques d’addiction pouvant résulter des conditions de travail et les consigner dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp), en associant le CSE dans les entreprises d’au moins 11 salariés. « Certains rythmes de travail (horaires atypiques, travail de nuit), certains secteurs d’activité et certaines cultures d’entreprise (hyperperformance) peuvent favoriser l’émergence d’addictions, détaille Louise Peugny. Les risques doivent également être évalués au regard des fonctions exercées par les salariés. Ceux qui conduisent des engins, manipulent des produits chimiques ou travaillent en hauteur peuvent non seulement se mettre en danger, mais également mettre en danger leurs collègues, voire le public. »
Déployer des mesures de prévention
Une fois les risques évalués, l’employeur peut ensuite déployer des mesures de prévention adaptées, par exemple en relayant les campagnes nationales (mois sans tabac, dry january…), en prévoyant une cellule ou une ligne d’écoute et en établissant un protocole de prise en charge en cas d’accidents liés à la prise d’une substance psychoactive. Le règlement intérieur de l’entreprise constitue également un outil que les entreprises peuvent mobiliser pour protéger les travailleurs.
En vertu du deuxième alinéa de l’article R4228-20 précité, il est notamment permis de limiter ou d’interdire la consommation d’alcool sur le lieu de travail, à condition que cela soit proportionné. « La jurisprudence considère qu’une interdiction absolue n’est pas proportionnée, sauf impératif de sécurité, notamment si l’ensemble des salariés sont exposés à des risques professionnels élevés, indique Louise Peugny. C’est pourquoi nous conseillons de lister dans le règlement intérieur les postes pour lesquels il y a une tolérance zéro en matière de consommation d’alcool. »
Mettre en place des contrôles inopinés
Le règlement intérieur peut aussi prévoir des contrôles inopinés (test d’alcoolémie ou salivaire) et les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent être réalisés (postes concernés ou état apparent d’ébriété, possibilité pour le salarié d’avoir un témoin et de demander une contre-expertise, etc.). « Lors du recours à un test, le premier réflexe doit être de vérifier les conditions prévues par le règlement intérieur sans quoi le résultat ne pourra pas être utilisé pour justifier une sanction. La jurisprudence est très stricte sur ce point », prévient l’experte en droit social.
Face à un résultat positif et en fonction de la situation (première fois ou réitération, mise en danger d’autrui…), l’employeur peut réagir par un accompagnement ou une sanction, cette dernière pouvant aller jusqu’au licenciement. L’entreprise peut notamment orienter son collaborateur vers la médecine du travail et un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). « En fonction de la gravité de la situation, l’employeur peut aménager le poste de travail ou les horaires du salarié pour lui permettre de suivre un accompagnement médico-psychologique, indique Louise Peugny. Il est aussi important de former les managers à ces questions pour qu’ils sachent comment réagir et accompagner les collaborateurs concernés. »