La préparation patrimoniale de la transmission d’entreprise mérite d’être engagée plusieurs années en amont.
Transmettre une entreprise est une opération à forts enjeux sur le plan patrimonial et, en la matière, mieux vaut anticiper pour pouvoir tenir compte des évolutions à venir de l’entreprise ou de sa situation familiale, optimiser les aspects successoraux et fiscaux de transmission et mettre en place les solutions adaptées. « Les professionnels recommandent ainsi d’entamer la réflexion plusieurs années avant la date de cession envisagée, entre 5 et 10 ans dans l’idéal, 3 ans au moins », souligne Lionel Salembier, expert-comptable associé du cabinet Audit gestion conseil, membre de France Défi.
En premier lieu, il importe de réaliser un audit patrimonial afin de préciser les différentes composantes de son patrimoine à date et d’évaluer les conséquences de la transmission. C’est aussi l’occasion de faire le point sur sa situation familiale. Le régime matrimonial est-il adapté ? Dans certains cas, il peut être utile de le modifier pour satisfaire les objectifs du chef d’entreprise. Y a-t-il des enfants et combien ?
Préciser ses objectifs
Après cet état des lieux, le chef d’entreprise pourra préciser ses objectifs et ses projets pour la suite et définir sa stratégie avec le concours de spécialistes. Les solutions envisagées ne seront pas les mêmes selon qu’il souhaite s’assurer des revenus pour la retraite, dégager des sommes pour investir dans de nouveaux projets, protéger ses proches et/ou leur transmettre une partie de son patrimoine.
Plus tôt seront faites les donations, plus rapidement le donataire pourra recouvrer son abattement renouvelable tous les 15 ans.
Une réorganisation du patrimoine du dirigeant peut s’avérer intéressante. Il peut s’agir tout simplement de faciliter la vente en sortant l’immobilier de la société d’exploitation. Mais l’objectif peut aussi être d’optimiser le traitement fiscal de l’opération. Ainsi, il peut être utile d’anticiper des donations si on a pour projet de transmettre son patrimoine à ses enfants. Sur le plan fiscal, mieux vaut leur donner des titres avant la vente. Des droits de mutation s’appliquent mais avec des abattements selon les donataires. Les enfants procèdent ensuite à la cession potentiellement sans plus-value imposable alors que si le dirigeant procède à la vente avant les donations, le produit de la vente sera amputé de la taxation de la plus-value.
Fluidifier la succession et la transmission familiale
Pour limiter les risques de conflits familiaux, il est également possible de recourir la donation-partage pour organiser sa succession grâce à la transmission de son vivant de tout ou partie de son patrimoine. Avec ce dispositif, qui présente plusieurs avantages fiscaux, le dirigeant maîtrise la répartition effectuée entre ses héritiers. « Plus tôt seront faites les donations, plus rapidement le donataire pourra recouvrer son abattement renouvelable tous les 15 ans (abattement de 100 000 euros pour une donation en ligne directe) », rappelle Lionel Salembier.
Dans l’optique de conserver des revenus pour le dirigeant comme pour optimiser le coût fiscal de la transmission, le choix peut être fait de procéder à des donations en démembrement de propriété. Le chef d’entreprise conserve l’usufruit des parts ou des titres transmis, et continue donc à percevoir les éventuels dividendes, tandis que ses donataires reçoivent la nue-propriété des titres, ce qui permet de limiter les droits de donation, calculés uniquement sur celle-ci. Ils deviennent pleinement propriétaires au décès du donateur.
Le pacte Dutreil, pérennisé jusqu’à présent même si des restrictions sont souvent envisagées, offre un cadre fiscal favorable pour la transmission à titre gratuit d’une entreprise familiale. Il permet de bénéficier, sous certaines conditions, d’un abattement de 75 % sur la valeur des titres transmis en contrepartie notamment d’un engagement collectif du donateur et de ses donataires de conserver leurs titres pendant au moins deux ans, puis d’un engagement individuel des donataires de les conserver au moins quatre ans. En outre, cet outil incontournable de la transmission familiale peut se cumuler avec d’autres dispositifs fiscaux.
Maximiser de nouveaux investissements
Le recours au dispositif d’apport-cession avec la création d’une holding à laquelle sont apportées les parts de l’entreprise, en amont de leur cession, permet quant à lui, sous conditions, de bénéficier d’un report d’imposition de la plus-value liée à la vente de l’entreprise. C’est une manière de maximiser les sommes disponibles pour de nouveaux investissements. Une holding familiale peut également être créée en parallèle du recours à la donation-partage dans le cadre de la transmission d’une entreprise familiale, en particulier lorsqu’un seul des enfants souhaite reprendre l’activité. L’emprunt réalisé pour permettre le versement de la soulte due à ses frères et sœurs peut alors être contracté au nom de la holding, et non en son nom propre, puis remboursée via les dividendes de la société d’exploitation.
Selon les besoins, différentes solutions peuvent être combinées. Pour réussir la transmission mieux vaut donc miser sur une préparation plusieurs années à l’avance et l’expertise d’interlocuteurs qualifiés afin de mettre en place une stratégie intégrant régime matrimonial et outils fiscaux sans risque de remise en cause.