Alors que 90 % des dirigeants s’inquiètent des impacts négatifs du téléphone portable au travail, seuls 39 % ont mis en place des mesures concrètes pour réguler leur usage.
L’omniprésence du téléphone portable dans l’environnement professionnel suscite l’inquiétude des dirigeants d’entreprise. Une étude menée par l’Observatoire santé Pro BTP en collaboration avec l’Ifop révèle que plus de 90 % des dirigeants interrogés expriment des préoccupations concernant au moins un des impacts négatifs de l’usage excessif des smartphones personnels au sein de leurs organisations.
Cette inquiétude se traduit par l’identification de trois axes problématiques : la dégradation de la qualité du travail (86 % des répondants), l’altération des relations sociales (83 %) et les risques pour la sécurité des salariés et des données (78 %). Malgré ces constats, le passage à l’action reste limité : seuls 39 % des dirigeants ont mis en place des mesures concrètes, tandis que 14 % envisagent de le faire.
La concentration mise à mal
Pour l’avocate Sandrine Losi, associée du cabinet Capstan avocats, le téléphone portable « modifie notre rapport au travail en y ajoutant distraction, interruption, isolement, irritabilité, etc. ». Des données scientifiques corroborent cette analyse : après une interruption d’une minute, une personne aurait besoin de 25 minutes pour se reconcentrer sur une tâche. « Par conséquent, il y a urgence à organiser une prise de conscience, à sensibiliser tous les acteurs », estime Sandrine Losi dans une note d’analyse accompagnant l’étude.
Dans une entreprise, cette sensibilisation peut passer par des actions de « vulgarisation des différentes études scientifiques sur le risque de dépendance au smartphone et aux contenus qu’il rend accessibles et à ses conséquences sur le travail », suggère Hervé Naerhuysen, président de l’Observatoire santé Pro BTP.
Un règlement intérieur propice…
L’employeur dispose de plusieurs leviers pour encadrer l’usage des smartphones en entreprise. Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, il peut restreindre les lieux et moments d’usage lorsque le téléphone portable présente un risque pour la sécurité des salariés. « L’employeur dispose également de son pouvoir de direction et de son pouvoir disciplinaire lui permettant de fixer des règles internes, notamment via le règlement intérieur, afin d’imposer le respect des prescriptions de sécurité et de sanctionner leur non-respect par des mesures disciplinaires », précise Sandrine Losi.
… tant que l’interdiction n’est pas abusive
Toutefois, comme le rappelle cette experte, les interdictions ou restrictions imposées par l’employeur sont encadrées par les principes de nécessité et de proportionnalité (article L.1121-1 du code du travail). Ainsi, « une interdiction générale et absolue sera considérée comme abusive », indique-t-elle. De même, l’interdiction d’utiliser le téléphone dans les espaces de pause ou à des moments où l’activité ne nécessite pas une concentration importante « pourrait être considérée comme abusive si elle n’est pas justifiée par des raisons légitimes ». De façon générale, Sandrine Losi recommande que toute restriction fasse l’objet d’une évaluation.
Outre l’utilisation du règlement intérieur pour fixer des limites à l’usage du téléphone portable au travail, les entreprises peuvent aussi utiliser les notes de service ou mettre en place une charte de bonnes pratiques. Étant donné le caractère très personnel de l’utilisation des smartphones, une démarche collaborative est recommandée. « Une réflexion concertée avec les partenaires sociaux dans l’entreprise et/ou avec la médecine du travail peut permettre d’élever les consciences et de fédérer le plus grand nombre autour d’un constat collectif et documenté », conclut Sandrine Losi.