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Lutte contre le travail dissimulé, ce qui change en 2023

Publié le lundi 17 avril 2023 à 12h15
Par Morgan Paglia, Accroche-press’ pour France Défi
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Entreprises ou indépendants, les acteurs économiques peuvent être lourdement sanctionnés en cas de travail dissimulé. Chaque année, l’étau juridique se resserre pour les fraudeurs, 2023 n’a pas fait exception. Décryptage.

 

Obligation de vigilance, comment la définir ?

Lors de la conclusion d’un contrat portant sur au moins 5 000 €, l’entreprise « donneuse d’ordre » est tenue de vérifier, lors de sa conclusion, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin du contrat, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations de déclaration à l’égard de l’Urssaf. Une mesure courante pour les grandes multinationales également applicables aux TPE-PME pourtant moins bien équipées.

Beaucoup de petites entreprises ne sont pas conscientes de cette obligation mais en cas de contrôle elles peuvent être condamnées solidairement.

Maryline Buhl, avocate en Droit du travail

 

« Quand on parle de travail dissimulé, on ne pense trop souvent qu’au travail « au noir », or on oublie le « travail gris », c’est-à-dire le fait de déclarer un petit peu mais pas tout, précise indique Maryline Buh. Ne pas payer une ou deux heures supplémentaires peut être mis sur le même plan juridiquement. »

Sanctions, un durcissement en cas de récidive

Et les sanctions peuvent être très élevées. En cas de travail dissimulé, l’entreprise donneuse d’ordre peut être condamnée à payer les impôts, taxes et cotisations dus par son sous-traitant d’une part, et à une annulation des réductions et exonérations dont elle a bénéficié pour son personnel, d’autre part. Si la loi fait plafonner l’amende en cas de premier manquement (absence d’annulation de réductions ou d’exonérations depuis 5 ans), celle-ci peut néanmoins s’élever à 15 000 € pour une personne physique et à 75 000 € pour une personne morale.

En cas de récidive dans les 5 ans, les plafonds de pénalités ne s’appliquent plus. Le montant de solidarité financière est alors calculé en proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession. Le taux de cette majoration peut être réduit de 10 points si le sous-traitant procède au règlement intégral des cotisations, pénalités et majorations de retard dans les 30 jours de leur notification.

Cependant, une réduction de 10% des majorations de redressement des cotisations et contributions par l’Urssaf peut être accordée aux donneurs d’ordre qui règlent rapidement sous 30 jours. Lors d’un contrôle, si l’infraction de travail dissimulé est établie, le redressement prononcé peut être majoré de 25 %, voire de 40 %. Ils sont toujours soumis à des majorations de +45%, et jusqu’à +60% en cas de circonstances aggravantes (récidive, par exemple).

Des moyens de contrôle renforcés

Afin de faciliter les contrôles, la loi renforce les moyens des agents de contrôle. Les liaisons sont également mises en place ou améliorées entre les autorités administratives et judiciaires. Les greffiers des tribunaux de commerce ont désormais la possibilité de transmettre gratuitement tout document recueillis dans le cadre de leur fonction pouvant indiquer une infraction. En outre, la loi habilite les agents de contrôle à mener des enquêtes en ligne et à utiliser des pseudonymes pour collecter des données électroniques et prévoit la possibilité d’effectuer des contrôles bancaires. L’étau se resserre donc pour les fraudeurs.

Comment se mettre en conformité ?

Le processus de vérification passe par la délivrance une « attestation de vigilance » qui doit être délivrée au sous-traitant par l’URSSAF. Un système en apparence simple mais qui s’ajoute aux nombreux autres impératifs administratifs des TPE-PME, reconnait Maryline Buhl « sur le site de l’URSSAF ils ont simplifié les choses, on télécharge l’attestation de vigilance et on peut leur envoyer assez rapidement mais c’est lourd car il faut un service comptable qui gère cette obligation, il faut aussi y penser tous les 6 mois. »

 

Et si le prestataire est coupable, vous risquez une condamnation solidaire. « Le simple fait de demander le document obligatoire ne suffit pas. Il faut absolument les obtenir et les vérifier », ajoute l’avocate. C’est d’autant plus important que, si un prestataire fraudeur dépose le bilan, l’ensemble des charges à régulariser pèsera sur le donneur d’ordre. Le risque est donc très fort.

L’infraction est également valable dès lors qu’un tiers a informé l’entreprise donneuse d’ordre et qu’elle n’a pas agi en conséquence. Le donneur d’ordre doit lui enjoindre aussitôt, par lettre recommandée avec avis de réception, de se mettre en conformité. Il est donc crucial de pouvoir justifier ses actions même si l’entreprise donneuse d’ordre a procédé aux vérifications requises.